C’est avec tristesse que nous avons appris le décès inattendu de Bernhard Batschelet. Il a marqué à bien des égards Mountain Wilderness Suisse dans ses premières années. Avec sa ténacité, son engagement sans faille, son immense envie de changer des choses en apparence figées, il a œuvré en tant que pionnier pour les espaces sauvages en montagne dans le pays et à l’étranger.
Persévérant dans les montagnes comme avec ses idées et ses projets
Quand Bernhard faisait quelque chose, alors c’était avec grand enthousiasme, créativité et cohérence. Dans les montagnes aussi. Il a été un des premiers responsable de l’environnement au CAS et s’est engagé dans la section de Bâle pour la protection de l’environnement et les montagnes intactes. Mais cela ne lui suffisait pas. Il souhaitait une alternative au CAS. Pas étonnant donc qu’il se soit associé à la scène alternative naissante de l’alpinisme, et qu’il se soit rendu à Brigue le 16 janvier 1994 pour assister à la fondation de Mountain Wilderness Suisse. Il est devenu membre du Comité et a assumé la présidence de 1996 à 2004.
Bernhard, originaire de Daig dans le canton de Bâle, a de multiples visages. Il était musicien et fan de carnaval. Et il était activiste pour l’environnement à Mountain Wilderness. Dans la cadre de la campagne «Stopp dem Schrott» (Stop à la ferraille), il s’est engagé dans des manifestations pour que les militaires nettoient les résidus de munitions dans les montagnes. Puis il a de nouveau convaincu ses contacts à Bâle avec nos projets, entraînant des partenariats à long terme. Il était le collègue et l’ami avec qui on aimait passer une longue soirée. Les discussions étaient passionnantes, stimulantes et excitantes, toujours pimentées d’une pincée d’humour mordant bâlois.
Il s’est toujours considéré comme esprit un avant-gardiste. À Mountain Wilderness, il était pour une nature sauvage intacte en montagne et des sports de montagne respectueux. Déplacements respectueux de l’environnement, refuges de montagne gérés de manière écologique, architecture alpine faisaient partie de ses thèmes. Il aimait discuter ses idées tout feu tout flamme, toujours et partout. De préférence directement sur place et en montagne, comme à la cabane du Bec de Bosson dans le Val d’Hérens lorsque la nouvelle construction était planifiée, ou lors de la remise du Prix Wilderness à la Cabane d’Arpittetaz. Ses idées ont souvent choqué avant de tomber dans le domaine public. Un exemple est la fermeture temporaire des sites d’escalade dans le Jura bâlois afin que des espèces d’oiseaux menacées puissent se reproduire en paix.
Les montagnes les plus hautes
Ensuite il y a eu la fascination pour le Mont-Blanc qui n’a plus lâché Bernhard. Bernhard a mené Mountain Wilderness Suisse et la scène bâloise d’alpinisme à se consacrer à la protection du Mont-Blanc. Sur la base des travaux de Mountain Wilderness International, il a élaboré une campagne pour la plus haute montagne des Alpes, le symbole de l’alpinisme par excellence. Ça aussi, c’était Bernhard. Il n’a pas hésité à se lancer dans de grandes tâches. Au contraire, elles semblaient lui donner des ailes.
C’est ainsi qu’entre 1996 et 1998, il a activement contribué à des sorties internationales de plusieurs jours avec plusieurs douzaines de participants autour du Mont-Blanc, et emmené les ancien-ne-s conseillère et conseiller nationaux Pia Holenstein et Rudolf Strahm au sommet du Mont-Blanc. C’est en toute logique qu’après la fin du projet «Modellregion Göschenen» (région modèle Göschenen) lancé par Mountain Wilderness dans les années 1990, il a aidé à façonner un plan similaire pour le versant sud du Mont-Blanc qu’il a démarré par des semaines de reconnaissance en 2002 à La Fouly et l’année suivante aux Marécottes.
Le bien de l’organisation faîtière Mountain Wilderness International lui tenait aussi vraiment à cœur. Bien que plus artiste que manager, il a constamment essayé au cours des années de créer des structures claires et efficaces. On peut citer aussi parmi ses autres coups de cœur au niveau international son engagement dans le Caucase en Géorgie. Avec Mountain Wilderness Allemagne, il y a posé les jalons pour un tourisme doux, entre autres avec une campagne de nettoyage du Mont Kazbek.
Musicien, installeur de tente sur les glaciers
À Mountain Wilderness, nous n’avons eu que peu connaissance de sa musique et de sa passion pour le carnaval de Bâle. Sa première représentation de son oratorio dans une cathédrale de Bâle bondée, sa participation spontanée une pièce de théâtre pour mon anniversaire, ses cadeaux de disques avec des duos flûte-orgue pleins d’allégresse de Bach et ses multiples innovations pour le carnaval de Bâle ont donc été pour moi personnellement autant de beaux moments.
Mais ce qui le liait à nous tous à Mountain Wilderness, c’était les montagnes. S’il avait un peu de temps, il filait jusqu’aux sommets ou de préférence sur les glaciers glacés où il bivouaquait plusieurs jours de suite.
Ces dernières années, Bernhard a vécu à Bali près d’Ubud, au milieu de champs de riz dans une ferme conçue et construite par lui-même. «Le monde semble avoir été un peu déréglé aux niveaux local et mondial. C’est pourquoi je pense que nous devons renforcer l’environnement juste autour de nous avec fantaisie et sérieux. Il est difficile de rester calme», écrivait-il il y a un an en signant par Bali-Bernhard. En février 2020, il est revenu à Bâle comme toujours pour le carnaval. En raison de la pandémie du coronavirus, ce dernier n’a pas pu avoir lieu et Bernhard n’a pas pu rentrer dans son Bali. Le 19 mai 2020, le cœur de Bernhard s’est arrêté et il a quitté ce monde dans son appartement de Bâle.
Barbara Ehringhaus, présidente de ProMONT-BLANC et ancienne membre du comité de Mountain Wilderness Suissse
Juin 2020